Vous n’êtes pas Charlie

par Rania

Liberté d’expression, dira-t-on, voici donc ma part, qui ne vous plaira surement pas. Mais si vous y tenez tant à ce qu’on n’y touche pas, à la liberté d’expression, à ce qu’on la défende mordicus, alors j’ai tout autant le droit de m’exprimer.

Vous, gang de Charlie, faites exactement ce qu’on attend de vous, pleurer la « liberté d’expression » d’un journal « satirique » au contenu des plus opprimants, des plus discriminatoires et des plus abjects, alors qu’en temps normal vous n’auriez jamais défendu de tels propos. Vous pouvez être tristes et horrifiés de ce qui s’est passé – qui ne l’est pas? – sans cautionner des propos de MARDE au nom de la sacro-sainte liberté d’expression.

Je tiens à vous rappeler que la liberté d’expression des uns et des unes s’arrête là où la liberté d’existence des autres commence. Il est possible de faire de l’humour, et du très drôle, sans constamment dénigrer et rabaisser les groupes qui subissent déjà du dénigrement systémique.

Pourquoi est-ce que, en tant que société, on est toujours plus rapide à défendre la liberté d’expression de ceux et celles qui nous oppriment, qui nous déshumanisent, qui nous objectifient? Vous êtes où, gang de Charlie, quand vient le temps de défendre la liberté d’expression des travailleurs et travailleuses du sexe, des itinérant.es, des personnes démunies, des personnes racisées, des personnes autochtones, des personnes handicapées, des personnes queer, et de toutes les autres? Vous n’êtes nulle part, vous être insensibles, momentanément aveuglé.es. Mais la liberté d’expression des personnes dominantes est attaquée, IL FAUT LA SAUVER.

Où est-elle, votre cohérence dans votre défense de la liberté d’expression, s’il vous faut DEMANDER la permission du SPVM pour manifester devant le consulat de France au nom de cette défense de la liberté d’expression? Où est votre logique là-dedans?

Elles étaient où, les photos de profil Facebook et les mots-clics, quand Michael Brown a été assassiné? Quand Tamir Rice a été assassiné? Quand Eric Garner a été assassiné? Quand Leelah Alcorn a été assassinée par la société? Elle était où, votre indignation, quand Harper a décidé que les violences systémiques envers les femmes autochtones ne valaient pas la peine d’être considérées? Quand les gouvernements ont décidé d’exploiter les terres autochtones sans le consentement des peuples autochtones qui y demeurent? Il était où, votre soutien de la liberté d’expression et de la liberté d’existence à ce moment-là? Calme, cute, un petit partage Facebook pour bien montrer que vous êtes au courant, rien de plus. Ou pire, bashing sur les émeutes car « il ne faut pas répondre à la violence par la violence ». Solidarité sélective.

Pourquoi est-ce que la défense de la liberté d’expression des hommes cisgenres blancs fait soulever les passions de la terre entière, alors que des millions de personnes meurent tous les jours des conséquences de ce système opprimant sanguinaire que ces mêmes hommes défendaient et soutenaient à travers leurs caricatures « humoristiques »?

Pourquoi est-ce que l’assassinat d’hommes blancs par des hommes de couleur prend le nom de terrorisme, alors que l’assassinat quotidien de personnes de couleur par des hommes blancs et des femmes blanches se nomme « guerre » et « dommages collatéraux »?

Il y a des gens qui meurent tous les jours, des gens qui sont assassinés tous les jours. Ces gens-là sont extraordinaires, mais on ne le saura jamais, car ils et elles n’ont pas de noms, ils et elles n’ont pas d’histoire, ils et elles ne sont ni blanc.hes ni occidental.es. Qui défend leur liberté d’expression? Qui s’indigne lorsqu’on leur arrache la vie par pur impérialisme?

Malgré le fait qu’il sera élevé dans l’opinion publique et que tout le monde s’est trouvé une passion nouvelle pour la chose, le Charlie Hebdo était un journal au contenu de marde, et il le restera.

Vous n’êtes pas Charlie, vous êtes des moutons à la liberté d’indignation sélective.

Solidarité avec les communautés musulmanes partout dans le monde, qui vont devoir se confondre en excuses auprès de l’opinion publique pour un crime qu’elles n’ont pas commis, tout ça pour être « bien vues » aux yeux du monde. Courage!